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[INTRODUCTION]
Décryptage de la campagne africa now des galeries lafayette.

Quelques minutes après le lancement de la campagne Africa Now (fig.1) par les Galeries Lafayette, en mars 2017, les réseaux sociaux s'enflammèrent à une vitesse effrénée. (fig 2.) Les couleurs de peau, les cheveux et leur texture, la composition de l'affiche, les habits, les accessoires, etc... presque tout a été décortiqué et critiqué par les internautes-citoyens-consommateurs-acteurs-décisionnaires . Mais que s'est-il passé ? Après a voir étudié ce Bad Buzz, So Com' a choisi de se pencher sur un élément en particulier : l'appellation de la campagne.

fig 1. Couverture de la page événement Facebook.

fig 1. Couverture de la page événement Facebook.

fig 2. Captures de la page Facebook et de l'Instagram des Galeries Lafayette.

fig 2. Captures de la page Facebook et de l'Instagram des Galeries Lafayette.

Africa Now : le contrat est-il rempli ?

Nous avons entamé notre réflexion, en recherchant dans un premier temps, le communiqué de presse à destination des internautes, qui commence par ce slogan :

Africa Now : Art, mode, design, musique… L’Afrique créative est en pleine ébullition. Une effervescence culturelle qui transcende les frontières et raconte un monde en transformation [...] la commissaire d’exposition Marie-Ann Yemsi invite une toute nouvelle génération d’artistes du continent africain à la Galerie des Galeries.

Nous comprenons alors que la campagne a pour ambition de mettre en lumière, sur le sol français, des créateurs et leurs créations en provenance du continent africain ❸. Les termes « ébullition, effervescence et transformation », représentent le cœur de la campagne : l'Afrique bouillante de créativité. À travers ce slogan, les Galeries Lafayette passent un contrat tacite avec les internautes, potentiels prospects, clients, mais avant tout, citoyens français. Cependant, lorsque l'on continue la lecture de ce communiqué de presse, nous nous apercevons que les artistes sélectionné.e.s pour l'exposition Le Jour qui Vient, proviennent en majorité de la diaspora africaine ❹ :

  • Joël Andrianomearisoa - Né à Antananarivo (Madagascar). Vit entre Antananarivo, Paris et Magnat-l'Étrange.

  • Namsa Leuba - Née en Suisse. L'artiste d’origine guinéenne vit en Suisse.

  • Marie-Ann Yemsi - Née en Allemagne (Germano-camerounaise).

  • Ruby Onyinyechi Amanze- Artiste nigéro-britannique basée à Brooklyn.

  • Clay Apenouvon - Né à Lomé. Vit en France.

  • Maïa Muller - Née en 1986 à Tunis. Vit et travaille à Tunis.

  • Julien Creuzet - Né au Blanc-Mesnil. Il vit et travaille à Fontenay-sous-Bois.

  • Frances Goodman - Née à Johannesburg. Vit et travaille à Johannesburg.

  • Lebohang Kganye - Née à Katlehong en Afrique du Sud. Vit et travaille à Johannesburg.

  • etc.

 

Le problème s'intensifie lorsque nous examinons les stylistes invité.e.s, observation confirmée par l’hebdomadaire Jeune Afrique :

 

Mais là où le bât blesse, c’est qu’aucun designer africain n’a été contacté pour incarner cette « créativité africaine » plébiscitée par l’événement. Excepté la sélection de Marché Noir et ses pièces chinées en Afrique de l’Ouest, le défilé de clôture a fait la part belle au made in France avec des labels surexposés dans le paysage de la mode parisienne ces cinq dernières années depuis l’explosion du wax, parmi lesquels Château Rouge, Eli Kuamé, Bazara’Pagne, Natacha Baco et consorts. Si ces derniers créateurs sont pour la plupart issus de la diaspora africaine et méritent toute leur place dans la nouvelle scène mode inspirée de l’Afrique, où étaient donc les designers venus du continent ?

 

Dans le cas de la campagne Africa Now, nous sommes confronté.e.s à une véritable problématique langagière et intellectuelle propre à la France : confrontation entre un vieux réflexe de colonialité et une réalité mouvante et migratoire. Or, nous ne pouvons plus, au XXIe siècle, nier l'histoire de l'immigration française et sa réalité immédiate ; penser encore et encore le continent Africain, comme isolé, figé dans un passé stéréotypé. Son histoire, notre histoire, ainsi que la globalisation massive de notre planète, ont créé une Afrique hybride, une Afrique mouvante, migratoire, transnationale, aux multiples visages et facettes. C'est pourquoi, dès les premières réflexions, un choix devait être formuler : choisir une autre appellation symbolisant cette ébullition culturelle mondiale et mouvante. Assumer cette "Afrique de maintenant". Alors, non, le contrat n'a pas été rempli.

Quelles leçons tirer de cette courte analyse ?

Nous avons le devoir de développer une intelligence communicationnelle constituée de trois engagements :

  • Connaissance. Élaborer des campagnes de communication en lien avec des sujets sociaux et sociétaux non maîtrisés et sans une connaissance juste de notre histoire, ne peut qu'être vecteur d'une mauvaise réception de la part des internautes-citoyens-consommateurs-acteurs-décisionnaires.

  • Sincérité. Il est essentiel d'aborder des sujets en quoi l'entreprise ou la marque s'engage au quotidien, en quoi les communicants croient profondément et non pas de s'emparer d'un sujet de manière intéressée et désinvolte.

  • Bienveillance. À une époque où les consommateurs sont multiples et issus de cultures diverses, nous devons communiquer en nous recentrant sur ce qui fait notre identité, au sens classique du mot latin identitas, soit « la qualité de ce qui est le même ».

 

Afin de fournir quelques pistes de réflexions à ce sujet complexe, So Com' a décidé à travers ce premier numéro « Notre histoire, notre futur », de revenir sur trois notions intrinsèquement liées à l'Histoire de France : la colonisation, l'immigration et la migration à travers les siècles.

SOLENN TENIER

 

 

❶ Faël Isthar, « Africa Now : Les Galeries Lafayette Critiquées pour ne pas avoir inclus 2 Modèles Noires». [En ligne]. Yzgeneration, 04 avril 2017. Disponible sur : https://yzgeneration.com/africa-now-galeries-lafayette/ (consulté le 12 mars 2021).

 

❷ Jean Marc Lebeaupin, « Africa Now aux Galeries Lafayette ». [En ligne]. Artsixmic, 12 mars 2017. Disponible sur : https://www.artsixmic.fr/africa-now-aux-galeries-lafayette/ (consulté le 12 mars 2021).

 

❸ Dans le cas de la campagne, une redéfinition du terme "Afrique" doit avoir lieu, puisque le Maghreb, n'y est pas représenté.

 

❹ Le mot diaspora, qui signifie « dispersion », vient du grec sporo qui veut dire « graine » ou de speira signifiant « semer ».

 

❺ Eva Sauphie, « Africa Now : une opération manquée ? ». [En ligne]. Jeune Afrique, 24 avril 2017. Disponible sur : https://www.jeuneafrique.com/432287/societe/africa-now-operation-manquee/ (consulté le 12 mars 2021).

 

❻ Grégoire Quelain, « La décolonialité – C’est quoi le concept ». [En ligne]. Geobojectif, 8 janvier 2021. Disponible sur : https://geobjectif.fr/la-decolonialite-cest-quoi-le-concept-1/ (consulté le 12 mars 2021).

Décryptage de la campagne Africa Now des Galeries Lafayette

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